jeudi 2 mai 2019

Silencio


Un prêtre dominicain.

Un professeur honoraire de philosophie du droit.

Un professeur de philosophie médiévale.

Un autre professeur honoraire de philosophie, docteur honoris causa de l’université romaine de la Sainte Croix.

Un membre de l’Académie Jean-Paul-II pour la vie humaine et la famille.

Un autre prêtre.

Un médecin membre aussi de l’Académie Jean-Paul-II pour la vie humaine et la famille

Un physicien.

D’autres professeurs de littérature, de droit et de philosophie. D’autres prêtres.

Des éditeurs.

Catholiques.

Faut-il le préciser : catholiques, apostoliques et romains.

Ils signent tous le même courrier dans lequel ils accusent le pape François de "délit canonique d'hérésie".

*

Le pape aime appeler. Par téléphone. Il aime ça, le coup de fil surprise. Ses amis. Puis les amis de ses amis et leurs enfants. Les périphériques. Un transsexuel espagnol. Un journaliste. Un enfant de 9 ans atteint d’une tumeur.

Il appelle, il appelle.

Par contre le pape, s’il aime appeler, il n’aime pas répondre.

Niet. Nada. Rien.

Les dubias : Silencio.

La correction filiale (‘correctio filialis’) : Silencio.

Le témoignage de Mgr Viganò : Silencio.

Vous dites ? – C’est vrai, vous avez raison. Pardon. Il a répondu. Qu’il ne répondrait pas. Pas un mot. Aux journalistes médusés, il avait rétorqué : « lisez attentivement le communiqué et faites-vous votre propre jugement. Je ne dirai pas un mot là-dessus. Je pense que le communiqué parle de lui-même. Et vous avez la capacité journalistique suffisante pour tirer des conclusions. C'est un acte de confiance. Quand on passe un peu le temps et vous avez les conclusions, peut-être je parlerai mais j'aimerais que votre maturité professionnelle fasse ce travail. Cela vous fera vraiment du bien » (cf. Conférence de presse dans les airs au retour du voyage d’Irlande).

Cela doit surement continuer à faire du bien aux journalistes, car depuis, il n’a pas rajouté un iota sur la question.

Celui qui a ouvert la bouche, c’est un journaliste gay qui a confirmé avec « son » enquête la véracité des faits cités par Viganò.

Réaction du Vatican ? Silencio.

Mgr Ricca ? Qui suis-je pour juger ? Silencio.

Mgr Zanchetta ? Silencio.

La liste des noms est longue. Les réponses, toujours courtes. Mieux. Il n’y en a pas. Pas une ligne. Silencio. Silence. 
 
Le pape de la tolérance ne doit pas connaître les limites que posait à celle-ci, Gramsci : « Quand on est convaincu que quelqu'un se trompe, que cette personne refuse de discuter, d'apporter des preuves en alléguant que tout à chacun a le droit de penser comme il veut - on ne peut pas être tolérant. Liberté de pensée ne signifie pas liberté d'errer et de divaguer ».

*

D’un côté nous avons donc un pape qui parle, mais qui ne répond pas.

De l’autre, un pape émérite qui avait indiqué garder le silence (« Quant à moi, puissè-je servir de tout cœur, aussi dans l’avenir, la Sainte Église de Dieu par une vie consacrée à la prière » cf déclaratio du 11 février 2013 et « Je ne retourne pas à la vie privée, à une vie de voyages, de rencontres, de réceptions, de conférences, etc. Je n’abandonne pas la croix, mais je reste d’une façon nouvelle près du Seigneur crucifié. Je ne porte plus le pouvoir de la charge pour le gouvernement de l’Église, mais dans le service de la prière, je reste, pour ainsi dire, dans l’enceinte de saint Pierre » cf dernière audience générale du 27 février 2013) et qui, face à la profondeur de la crise actuelle, a repris la parole publique pour indiquer que la cause des abus sexuels était plus à trouver dans la révolution de ‘68 que dans le cléricalisme.

Le texte de Benoit XVI avait été, avant sa publication, adressé au cardinal Parolin et au pape François lui-même (« après avoir contacté le secrétaire d’État, le cardinal Pietro Parolin et le Saint-Père lui-même, il a semblé approprié de publier ce texte »).

Le pape, constant dans sa lignée, n’a pas dit un mot sur ce texte. Continuera-t-il à voir dans son prédécesseur son « grand-père sage » ? (François en parlant de Benoit XVI : « Pour moi, il est le pape émérite, le grand-père sage, il est l'homme qui veille sur mes épaules et sur ma nuque par sa prière »).

Pas certain.

Si François appréciait la prière silencieuse du pape émérite, il n’est pas sûr qu’il aime les quatre vérités dispatchées dans son dernier texte.

*

Ceci étant, le courrier public, cité en préambule et diffusé le 1er mai 2019, pose une sérieuse question.

Jamais auparavant le pape n’avait été accusé, de manière si explicite et argumentée, d’être dans l’hérésie :

« Les catholiques auront du mal à croire que le pape est en train d’attaquer la foi, à moins que cela soit dit de manière expresse ; et par conséquent, de simples dénonciations abstraites risquent de servir de couverture au pape François pour avancer et atteindre son but.

Malgré les preuves que nous avons présentées dans cette lettre, nous reconnaissons qu'il ne nous appartient pas de déclarer le pape coupable du délit d'hérésie d'une manière qui aurait des conséquences canoniques pour les catholiques. Nous en appelons donc à vous qui êtes nos pères spirituels, vicaires du Christ dans vos propres juridictions et non pas vicaires du pontife romain, à exhorter publiquement le pape François à abjurer les hérésies qu'il a professées.

Même indépendamment de la question de son adhésion personnelle à ces croyances hérétiques, le comportement du Pape à l'égard des sept propositions qui contredisent la vérité divinement révélée, mentionnées au début de cette Lettre, justifie l'accusation du délit d'hérésie. Il ne fait aucun doute qu'il promeut et diffuse des opinions hérétiques sur ces points. La promotion et la diffusion de l'hérésie constituent en soi un motif suffisant pour accuser du délit d'hérésie. Il y a donc une raison surabondante pour que les évêques prennent au sérieux l'accusation d'hérésie et tentent de remédier à la situation.

Puisque le pape François a manifesté l'hérésie par ses actions aussi bien que par ses paroles, toute abjuration doit impliquer la répudiation et l'annulation de ces actions, y compris celles des nominations d’évêques et de cardinaux qui ont soutenu ces hérésies par leurs paroles ou leurs actions. Une telle admonition relève d’un devoir de charité fraternelle envers le Pape, ainsi que d’un devoir envers l'Église. Si - ce qu’à Dieu ne plaise ! - le Pape François ne porte pas le fruit d'un vrai repentir en réponse à ces avertissements, nous vous demandons d'accomplir le devoir de votre office en déclarant qu'il a commis le délit canonique d'hérésie, et qu'il doit subir les conséquences canoniques de ce crime… ».

Les signataires d’une aussi grave accusation ne peuvent, cette fois-ci, être déconsidérés comme étant des exaltés, des rigoristes ou des personnes n’aimant pas l’Église.

C’est justement parce qu’ils l’aiment, qu’ils adressent cette supplique aux évêques.

Rome devra trancher.

En ce temps pascal, sonne fort à nos oreilles la phrase de Pilate : “Qu’est-ce que la Vérité ?”

Soit les accusations sont infondées et alors il faudra une sanction canonique exemplaire pour les auteurs de la lettre, soit elles ne le sont pas et alors il faudra des évêques courageux pour défendre la Vérité.

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