jeudi 31 janvier 2019

Ecce Homo


Il est des nôtres.

Je veux parler ici d’un sujet de conversation habituel dans certains milieux, dans lesquels règne l’entre-soi : -il est des nôtres.

En laissant de côté l’amitié qui réjouit le cœur des amis lorsque l’un d’entre eux accompli un exploit ou surmonte des difficultés, je ne parlerai que des relations sociales empreintes de mondanité.

Autrement dit, je ferai seulement référence à deux milieux, le politique et l’ecclésial, dans lequel les gens se félicitent de voir grimper « l’un des nôtres ».

Or ce n’est pas tant qu’il soit des nôtres qui devrait remplir notre âme d’allégresse, mais le fait qu’il soit surtout fidèle.

Fidèle, non pas à nous, ni à un clan particulier. Fidèle à sa foi. Fidèle à son engagement. Fidèle à ses promesses. Fidèle à sa Patrie.

Je m’explique.

« Etre des nôtres » ne veut rien dire. Nous sommes tous, -et je mets au défi n’importe qui de me prouver le contraire-, à un moment de notre vie des nôtres, puis à d’autres, des autres. Cela car notre âme blessée par le pèche originel bascule de manière incessante entre la ligne qui sépare le bien du mal.

Soljenitsyne répondait à un journaliste -qui le houspillait pour savoir comment mettre un terme au mal que représentait le communisme dans le monde- que le mal ne pourrait jamais être retirée du monde car la ligne de partage entre le bien et le mal, ne sépare ni les États, ni les classes, ni les partis, mais elle traverse le cœur de chaque homme et de toute l’humanité. Et il ajoutait « personne n’est disposé à arracher son propre cœur pour faire triompher le bien ».

Ou alors si. Certains. On les appelle Saints, car en renonçant à eux-mêmes, ils ont chargé leur Croix.

L’histoire militaire fourmille d’exemples de ceux qui en étant des nôtres ont provoqué le triomphe des autres.

Non pas parce qu’ils étaient meilleurs ou pire que nous. Je ne juge pas les âmes, dont il n’appartient qu’au Créateur de leur attribuer ses peines et qualités. Mais peut-être que l’enthousiasme de faire partie de cette chose qu’on appelle « la chose commune », « la chose des nôtres », leur a fait perdre la conscience qu’il existait quelque chose de supérieur à cela qui s’appelle le salut individuel.

Bien entendu, ce salut individuel s’inscrit dans une communauté. Mais une communauté n’appartient pas aux uns ou aux autres. Elle vit, elle croit et elle meurt. Il existe un fort parallèle entre la vie des hommes et de celle de la communauté dans laquelle ils évoluent.
Aussi, il est impossible d’aimer en vérité quelqu’un parce qu’il est des nôtres. Car à un moment de sa vie, il sera probablement des autres et alors l’amère déception qui suivra cette découverte nous fera haïr celui que nous portions aux nuées.

A l’inverse on peut aimer quelqu’un et pardonner ses faiblesses, ses écarts et ses manquements, si l’on est conscient que de même que notre âme, la sienne bascule aussi entre le bien et le mal. Et qu’en définitive, ce qui compte ce n’est pas qu’il fasse allégeance à uns ou aux autres, mais qu’il cherche de toutes ses forces, malgré ses chutes et ses écarts, la Vérité.

Cela sublime toute relation humaine, car en considérant la misère de mon âme je ne peux que douter de mes forces. Alors pourquoi exiger des autres qu’ils soient plus solides que moi ? N’est-il pas une aberration de fonder nos espoirs sur le comportement de quelqu’un, aussi magnifique soit-il ?

Au contraire, si l’on considère que l’amour, en s’inscrivant dans un regard d’éternité, dépasse nos faiblesses et angoisses humaines, alors nous ne serons jamais déçus.

Il arrive dans certains milieux, dans lesquels règne l’entre-soi et aussi de manière très forte la mondanité, que beaucoup oublient cela.

Ils placent de toutes leur force leur espérance en un seul homme. C’est le cas en politique, c’est aussi le cas en religion. Cela aide les fabriques de gurus. Car aucun homme ne peut supporter le poids de la perfection qu’il ne possède pas et que d’autres s’enthousiasment à lui faire porter.

En insistant bêtement sur le fait qu’il est des nôtres, ils vont de déception en déception car personne ne peut leur assurer ce qu’ils recherchent. Se créent alors des clans et des divisions et on oublie le bien supérieur qui nous avait unit au départ, pour ne concentrer notre attention que sur le fait que l’un des nôtres a déserté, ce qui semble impardonnable.

Or, si on élevait un peu notre regard, on verrait que la plus grande offense commise dans l’histoire a été celle du premier homme et de la première femme face à Dieu. En voici une faute d’une gravité telle qu’elle était impardonnable et, pourtant, Dieu nous a pardonné.

Entre des nôtres peut avoir un quelconque sens dans un match de rugby ou pendant une partie de cartes. Mais surement pas dans le déroulé d’une action politique ou religieuse.

Pour que celles-là réussissent il faut accepter le prix de l’inévitable trahison et conserver, malgré l’amertume, le cap. Cela implique aussi que l’action ne doit pas s’inscrire dans une finalité de réussite temporelle, mais qu’elle doit nécessairement avoir une vue d’éternité, car c’est dans l’éternité que seront récoltés les fruits des semences temporelles.

Être du pape ou contre le pape. On s’en fout. Notre fidélité est attachée à l’Église et non pas à la personne dépositaire des clefs du Royaume. Nous sommes catholiques, apostoliques et romains. Ni papistes, ni sedevacantistes. Romains. Faits de la fibre de l’Empire de Dieu et plaçant seulement en Dieu fait Homme notre espérance et notre salut.

Être d’un parti ou contre un parti. D'une chapelle ou d'une autre. On s’en fout. On veut le règne du bien commun et non pas celui des partis des mortels qui ne pourront jamais se détacher de l’odeur de pourriture qu’apporte la mort prochaine.

Les apôtres étaient douze. Deux ont trahi. Ils faisaient pourtant parti du clan des apôtres. Du parti des apôtres. Ils étaient on ne peut plus près de la Vérité. Mais ils ont failli. Nous ne ferons pas mieux qu’eux si l’on oublie que ce qui ne va pas dans le monde, comme le disait le génial GK Chesterton « c’est moi ».

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